Sommes-nous les derniers catholiques ?
LA FOI EN QUESTIONS par Normand Provencher, o.m.i.SEPTEMBRE 2024
Sommes-nous les derniers à venir à la messe tous les dimanches ? » « Qui va nous remplacer ? » « Que deviendra notre village sans la belle église qui vient d’être mise en vente ? » Ces questions, je les entends de la part de fidèles qui prennent de l’âge et qui sont inquiets de l’avenir de l’Église d’ici. Personne ne pourra nier son rôle dans le domaine de l’éducation, de la santé et de la culture, mais il devient de plus en plus évident qu’une certaine manière d’être Église est en train de s’écrouler, et plus rapidement que prévu.
DES ÉGLISES POUR UN TEMPS ?
L’histoire nous apprend que des Église florissantes ont connu non seulement des périodes de crise et de déclin, mais qu’elles sont disparues. Que reste-t-il de la première communauté de Jérusalem, celle des disciples et de la parenté de Jésus ? Qu’est devenue l’Église d’Afrique du Nord, illustrée par Tertullien, Cyprien, Augustin? Cette Église a compté plus de 700 diocèses vers le 5e siècle; de nos jours, il n’y en a qu’un seul, avec très peu de fidèles. Que reste-t-il de l’Église d’Asie mineure, la Turquie actuelle, celle des illustres Pères de l’Église dont les écrits nous éclairent encore ? Toutes ces patries d’un christianisme jadis majoritaire et prestigieux sont devenues terres d’Islam à partir du 7esiècle.
L’Église du Québec serait-elle entrée dans sa phase terminale ? Tout en admettant la décroissance du nombre de fidèles et de prêtres, son incapacité à transmettre la foi aux jeunes générations et son manque de crédibilité, l’Église d’ici n’a pas dit son dernier mot. Le temps d’un nouveau départ est venu. Ce regard de foi s’appuie sur la promesse de Jésus : « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église, et la Puissance de la mort n’aura pas de force contre elle » (Matthieu 16,18).
LE RETOUR À L’ÉVANGILE
À la suite de 20 siècles d’histoire, l’Église a acquis un riche héritage de doctrines et de pratiques liturgiques. Et on ne cesse de publier encycliques, lettres, sermons, où s’entremêlent les données centrales du message chrétien avec des points loin de l’Évangile. Je suis étonné que les responsables de l’enseignement de l’Église continuent à porter autant d’attention à certaines dévotions, aux indulgences et aux questions d’éthique sexuelle. En conséquence, la réalité fondamentale de l’Évangile, ce qui en constitue le cœur, n’a pas toujours sa place dans la vie et l’enseignement actuel de l’Église. Un grand ménage est à faire pour qu’elle retrouve dans toute sa fraîcheur la Bonne Nouvelle de la part de Dieu, dont Jésus témoigne par sa parole et ses actions. Ce dernier ne laisse aux siens ni Credo, ni code de lois, ni rituels, mais plutôt une manière de vivre en relation avec les autres, qui découle de la généreuse paternité de Dieu. Pour le reste, Jésus s’en remet à l’Esprit qui conduira les siens « à la vérité tout entière » (Jean 16,13).
En conséquence, je suis assuré que l’Église sera encore présente au Québec dans quelques décennies, mais avec un tout autre visage, si elle met en œuvre, sans tarder, le tournant missionnaire avec l’approche de la synodalité. Soyons moins préoccupés de maintenir nos manières traditionnelles de faire et de penser la foi chrétienne; faisons confiance à la fécondité de l’Évangile, la source de vie et de nouveauté. C’est l’Évangile qui sauvera l’Église.