Le père Fernand Lindsay

Fernand Lindsay naît à Trois-Pistoles en 1928. il passe ses étés à l’Isle Verte, chez son oncle Freddy, qui est le gardien du phare, en compagnie d’oncles et de tantes qui font tous de la musique. Dès l’âge de cinq ans, il apprend le piano, auquel il ajoute l’orgue à l’âge de dix ans. Il étudie ensuite la clarinette, sans professeur, mais avec un tel talent qu’il est invité à se joindre à l’harmonie du Collège de Rimouski, où il poursuit ses études. À quinze ans, le destin le dirige vers Joliette. C’est l’amour de la musique qui l’y attire. Un oncle musicien qui y enseigne le piano et l’orgue lui parle du séminaire de Joliette, de son harmonie et de son orchestre symphonique. La vie culturelle y est très active car les Clercs de Saint-Viateur qui le dirigent estiment que l’éducation ne peut se concevoir sans une sensibilisation des jeunes à la beauté. Il y trouve des professeurs qui enrichissent ses connaissances et son goût de la musique. Il travaille avec le père Marion, qui a connu Rubinstein et rencontré Stravinsky.

Son destin était déjà tracé. Il choisit d’imiter ses maîtres et de devenir Clerc de Saint-Viateur, prêtre et enseignant.  Au séminaire de Joliette, il enseigne le français, le latin, l’histoire, puis la philosophie, que sa communauté l’envoie étudier à l’Université de Montréal. Animateur de vie étudiante, il fonde le Club Bartok afin d’initier les jeunes pensionnaires à la musique classique. Ils se réunissent autour du père pour écouter Mozart, Beethoven, Chopin ou Bartok.

Après dix années d’enseignement, sa communauté l’envoie à Paris pour des études avancées en philosophie. Cette année en Europe marquera la suite de sa vie. C’est à Salzbourg, en Autriche, que le miracle se produit. À quelques heures du concert d’ouverture du fameux festival, il obtient des billets pour tous les concerts et il assiste donc à trente concerts en vingt-cinq jours. Trente moments de pur délice, dit-il, et le choc de ma vie. Il se rend ensuite au festival Wagner, à Bayreuth, dont tous les billets sont vendus deux ou trois ans à l’avance. Il obtient, grâce à une annulation, des billets pour six des sept concerts. Il se rend à Munich et à Vienne et assiste, durant l’été, à pas moins de cinquante concerts. Tout le reste de ma vie a été nourri de ces deux mois, dit-il. Et c’est de cela que naîtra l’embryon de ce qui allait devenir, beaucoup plus tard, le Festival de Lanaudière.

De retour à Joliette, il organise, durant l’été, des concerts qui continuent en quelque sorte la saison des Jeunesses musicales, dont il est le directeur. Le Festival de Lanaudière sera créé à la suite d’une longue gestation. De retour d’Europe depuis douze ans, le père propose à l’Orchestre symphonique de Montréal, en 1977, d’accueillir son programme estival à la Cathédrale de Joliette. Trois concerts y sont donnés cet été là et huit l’année suivante, dont un avec une jeune violoniste de 16 ans, Angèle Dubeau, accompagnée de l’OSM. Le Festival prend son envol. Grâce à ses talents de leader et de rassembleur, le père forme un conseil d’administration présidé par l’ancien ministre, Marcel Masse. Il en est le directeur artistique, fonction qu’il a occupée jusqu’à son décès. Il enseigne alors au Cégep de Joliette, il est le directeur du Centre culturel et du Camp musical de Lanaudière, qu’il avait créé dès 1967.

Si le succès du Festival a propulsé le père Lindsay sur le devant le la scène, il n’allait pas l’empêcher de continuer à solidifier et à faire grandir son enfant chéri qu’était le Camp musical, qui porte aujourd’hui son nom. Le camp avait vu le jour de façon bien modeste afin d’offrir aux jeunes de moins de quinze ans un enseignement intensif de la musique durant la période estivale. Seuls les plus âgés avaient accès au camp des Jeunesses musicales d’Orford. Grâce à la complicité d’amis du père, qui sont prêts à le suivre, le camp s’installe au Lac Priscault et il ne cesse de prendre de l’expansion. Au début des années 90, il accueille près de quatre cents enfants dans quatre sessions de deux semaines chacune. La formule mise au point par le père plaît aux jeunes musiciens, qui quittent le camp emballés et y reviennent en grand nombre. Le père Lindsay passe tous ses étés au lac. Il dirige la chorale des enfants, il est l’âme du Camp.

Afin de soutenir financièrement le camp musical, le père se tourne et en 1969 la Fondation Père Lindsay voit le jour. Sa première mission : créer un programme de bourses pour venir en aide aux familles qui n’ont pas les ressources nécessaires pour envoyer leur enfant au Camp musical. Elle se charge ensuite de réunir des fonds pour la construction de bâtiments et l’acquisition de matériel dont le Camp a un urgent besoin. Le Camp connaît un nouvel essor, si bien qu’aujourd’hui il affiche complet, accueillant quelque cinq cents musiciens en herbe dans des installations adéquates, tant pour les campeurs que pour les enseignants.

Embellir la vie avec la musique a toujours été le plus grand souhait du père Lindsay, souhait qu'il a su réaliser avec brio.  Aujourd'hui, l'amphithéâtre qu'il a fait construire pour "son" Festival Lanaudière" porte son nom.

 

Texte tiré d'un hommage rendu au père Lindsay, lors d'une soirée bénéfice en juin 2009.